Imaginons… Nous sommes en 2022. La métropole de Lyon se lance dans un vaste programme de formation aux savoirs fondamentaux en direction des personnes illettrées pour augmenter leurs chances de trouver un emploi.

Ce programme sans précédent mobilise sur de nombreuses années des milliers de professionnels pour un résultat réel et mesurable. Quelques années plus tard, un grand nombre des personnes ayant suivi ce programme trouvent un emploi et le nombre d’exclus dans l’agglomération diminue sensiblement…

Ne serait-ce pas tout simplement merveilleux ? Pourquoi ne pas mettre en place un tel programme tout de suite ?

La réponse est malheureusement triviale : à cause de l’argent… L’argent public manque cruellement pour financer des actions innovantes d’utilité sociale. Dans un environnement de ressources rares, la puissance publique ne peut pas prendre le risque de baisser les crédits d’un programme mis en place il y a longtemps et dont les résultats sont moyens mais certains, pour en financer d’autres, de nouveaux, à la rentabilité sociale peut être plus importante, mais qui n’ont pas encore fait leur preuve.

Pourtant de l’argent, il y en a… Encore faut-il trouver les moyens de le mobiliser et de l’orienter vers des actions à forte utilité sociale. “Augmentons les impots des plus riches” clame la foule… Mais dans un monde ouvert, l’impôt n’est peut-être plus le meilleur moyen de “mobiliser” l’argent privé pour réparer la société.

“social impact bond”

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C’est ce qu’ont bien compris les inventeurs des “contrats à impact social”.

Le contrat à impact social est la version française du “social impact bond”. C’est un montage financier nouveau qui permet de lever des fonds privés pour financer des actions sociales innovantes et souvent préventives.

Le principe est de demander à un investisseur privé d’assumer un risque financier dans l’espoir d’un gain en cas de succès d’un programme d’intérêt social. Le financement de ce gain est rendu possible par les fruits des économies que la puissance publique réalise grâce aux résultats du programme.

Le jeu se joue à quatre :

  • la puissance publique qui souhaite mettre en place un nouveau programme de prévention et d’utilité sociale visant à diminuer ses “budgets de réparation”.
  • un opérateur (une association ou une entreprise solidaire) convaincu de la pertinence de ses modalités d’action pour atteindre les objectifs fixés par la puissance publique.
  • des investisseurs (une banque, un organisme financier, une fondation caritative) à la recherche d’un placement éthique et socialement responsable, mais non dénué d’un retour sur investissement équitable.
  • un évaluateur externe indépendant des 3 autres parties.

La puissance publique définit ses objectifs et annonce les modalités de remboursement en cas de réussite.

L’opérateur présente son programme d’action sociale aux investisseurs. Ceux-ci versent au porteur du projet les fonds lui permettant de le mettre en œuvre.

L’évaluateur, indépendant, détermine le niveau de réalisation des objectifs fixés par la puissance publique.

En cas de réussite du programme, les capitaux engagés et leurs intérêts sont remboursés par l’autorité publique aux investisseurs. Dans le cas contraire, l’investisseur perd tout ou partie de sa mise de la même manière que s’il avait investi dans une start-up.

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oups, c’est en anglais…

Le contrat à impact social transfère donc au secteur privé le risque de l’innovation social. Ce risque est rémunéré, en cas de succès, par la puissance publique grâce aux économies qui ont été réalisées grâce aux objectifs du programme.

Dans la métropole lyonnaise de 2022, le phénoménal programme de réduction de l’illettrisme aura donc été d’abord financé par des investisseurs privés. Ceux ci auront été ensuite remboursés par le Grand Lyon grâce aux économies réalisées par le non versement du revenu de solidarité active (RSA) aux bénéficiaires qui, ayant progressé, auront trouvé un emploi.

Vers une culture du résulat

Mais le contrat à impact social n’est pas «une solution miracle» qui pourrait d’un coup de baguette réduire les fractures sociales. C’est une nouvelle approche de l’action publique que permet la loi sur l’Economie sociale et solidaire qui présente à mes yeux deux avantages majeurs.

Tout d’abord, il impose à la puissance publique de s’engager sur une culture du résultat et non plus seulement sur une obligation de moyens. L’importance d’un programme ne se mesurera plus à la seule aune des millions d’euros publics posés sur la table. La conclusion de contrats entre bailleurs de fonds et opérateurs en fonction d’objectifs définis par la puissance publique sera par ailleurs un bon moyen de professionnaliser toutes les entreprises de l’ESS et de stimuler leur innovation.

french

En français, c’est plus simple, non ?

L’autre aspect fondamental des contrats à impact social tient à la nécessité pour toutes les parties, notamment la partie publique, d’être transparentes sur les données qui fondent le projet. Une transparence indispensable pour garantir à l’évaluateur sa capacité de mesurer l’atteinte ou le dépassement des objectifs, et donc de monétiser l’impact social des programmes. Une transparence qui est d’ailleurs une pierre angulaire de toute démocratie.

Articuler réel et idéal

Sur le papier, les contrats à impact social ont tout du modèle «gagnant-gagnant» : des montages financiers «socialement responsables» n’entraînent pas de surcoût pour les pouvoirs publics, dont la rentabilité se finance par les économies réalisées sur le long terme grâce à la résolution de problème sociaux… la “titrisation” des externalités positives des programmes sociaux innovants serait presque une idée trop séduisante !

C’est la raison pour laquelle je me réjouis de la décision de la secrétaire d’Etat Chargée de l’Economie sociale et solidaire,  Martine Pinville, de lancer dans un premier temps une expérimentation de ce dispositif dans le cadre d’un appel à projets.

Ce n’est que sur la base des évaluations de ces premiers contrats que nous saurons si ce dispositif pourra utilement compléter les modes d’action publics existants.

Il n’en reste pas moins que la conjugaison d’une logique économique de retour financier sur un investissement social est une idée enthousiasmante pour tous ceux qui veulent articuler la prise en compte du réel et leur soif d’idéal.

 

 

voir aussi le site dédié / appel à candidatures sur contrat.impactsocial@finances.gouv.fr