Bloquer les spameurs qui s’acharnent sur mon e-mail @assemblee-nationale.fr, répondre aux typeforms du groupe LREM, mettre à jour les innombrables changements sur mon agenda partagé, rentrer dans une boucle télégram, tenter d’en sortir rapidement…, classer ses contacts, transmettre ses propositions d’amendements “en .doc, non en .odt, non en .rtf… Oh et puis voilà un .pdf”, trouver le bon réseau wifi de l’assemblée, se connecter à Eloi pour suivre le sort de mes amendements, à Anais pour la déclaration préalable à l’accueil de mes invités, à “Réservations Séance” pour réserver des places dans les galeries de l’hémicycle, à Telemaque pour retrouver le code pin de mon téléphone, supprimer les notifications de mon fil facebook, retrouver mon identifiant twitter, survoler les pétitions en ligne qui se multiplient dans ma boîte de réception, choisir une alerte moins bruyante pour mes sms, ajouter un 47ème mot de passe dans ma liste secrète, mettre mon téléphone sur silence et… tenter de réfléchir !
Le métier de parlementaire a vraiment considérablement évolué depuis le début de la République.
Désormais accessibles par tout un chacun par voie électronique, nous, députés, nous avons aussi l’ambition de parler au plus grand nombre via les réseaux sociaux et les outils numériques désormais à notre disposition. Le temps passé à gérer cette “communication” – qui n’est bien souvent que du bruit et de l’agitation – ne cesse d’empiéter sur celui que nous devrions consacrer à la réflexion, à la décision et à l’explication.
Nous sommes bien sûr aidés par des outils toujours plus performants et des collaborateurs toujours plus agiles. Mais comment ne pas s’effrayer de cette fuite en avant ?
Nous sommes désormais devant un dilemme : ne pas répondre aux innombrables sollicitations d’un peuple devenu cyberacteurs et alimenter ainsi le sentiment de déconnection des élus, ou passer toujours plus de temps et d’énergie à co-mu-ni-quer, à répondre à chaque interpellation, à commenter chaque commentaire…
Comme chaque député nouvellement élu, j’ai fait un choix. Celui de siéger à la commission des affaires économiques et de ne travailler que les thématiques sur lesquelles je m’estime compétent : l’industrie, l’économie sociale et solidaire, le logement… La division du travail est aussi une bonne chose pour les parlementaires !
Mais j’ai aussi fait un autre choix : celui de ne pas répondre à tous les citoyens qui m’interpellent.
Elu sur une circonscription, j’estime de mon devoir de rendre compte de mon mandat aux électeurs qui y sont inscrits. A ceux là, je m’efforce d’expliquer mon travail et le sens de mes votes. A ceux là, je réponds à chacune de leur question avec la plus grande attention.
Mais pour pouvoir continuer à faire convenablement mon travail de député, j’ai décidé de ne pas répondre à toutes les autres sollicitations… mais d’adresser ce texte à tous ceux qui sollicitent si régulièrement mon attention.
J’espère qu’ils comprendront que celle ci est précieuse, précisément parce qu’elle est celle d’un représentant du peuple qui a choisi de se consacrer au bien commun.